La prise en charge du handicap est-elle un comportement plus courant de nos jours que par le passé ? Rien n’est moins sûr. Soins chirurgicaux (amputation, trépanation…), appareillages compensatoires (prothèse, béquille…) et modalités d’agencement des corps dans les tombes sont, pour les archéologues, autant d’indices de prises en charge. Dans son ouvrage Handicap : quand l’archéologie nous éclaire Valérie Delattre, archéo-anthropologue à l’Inrap, contribue à la réflexion collective sur l’accueil de la différence dans les sociétés qui nous ont précédés.   Invitée de Carole Clémence, dans l'émission Vivre FM C'est Vous, le 8 novembre dernier, l'auteure nous explique en quoi ces connaissances nous éclairent sur la place et les droits des personnes handicapées dans nos sociétés contemporaines.

 

 

La découverte est fascinante. Les équipes de l’INRAP, le plus grand opérateur en archéologie ont exhumé les restes d’un homme du Néolithique qui a été amputé de l’avant-bas. Cette personne que l’on qualifierait aujourd’hui de « handicapée » a été retrouvée au milieu d’un mobilier somptueux. « Soit il a conservé son statut social et le handicap, soit on a souhaité l’honorer dans la mort en lui donnant un mobilier de prestige, peut être parce qu’il était handicapé », selon Valérie Delattre, archéo-anthropologue, spécialiste des pratiques funéraires et culturelles de la protohistoire au Moyen-âge. Cette chercheuse est l’auteure de Handicap, quand l’archéologie nous éclaire, paru aux Éditions du Pommier.

Le handicap source de promotion

Le degré d’inclusion des personnes handicapées peut aller plus loin. Des fouilles menées par l’INRAP sur les côtes du Pérou en montrent un exemple saisissant. A l’époque précolombienne, les Mochicas habitent la région. Ces ancêtres des Incas ont pratiqué une forme de bienveillance originale à l’égard des individus handicapés moteurs. Ici, le porteur d’un handicap est perçu comme un intercesseur entre les hommes et les dieux, au point que parfois ces individus se voient élevées au rang de chaman, c'est-à-dire qu’ils sont réputés avoir un don qui soigne. " Ce sont vraiment des gens fortement recherchés, au point que certains parents n’hésitaient pas à estropier des enfants pour être valorisées » , explique Valérie Delattre. On a ainsi retrouvé des crânes et des membres estropiés volontairement, signe d’une volonté de promotion sociale. « Le handicap est une telle valorisation qu’avoir des relations sexuelles avec une personne handicapée, c’est tutoyer les dieux » , précise Valérie Delattre. L’art Mochica atteste de ce type de rapports physiques, on les retrouve en particuliers sur des céramiques, avec des scènes érotiques torrides entre Mochicas handicapés et valides, ces derniers y voient une manière d’obtenir une puissance divine et d’accéder à l’au-delà.

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