Françoise Héritier

Françoise Héritier : une intellectuelle à l'écoute de la diversité du monde

Françoise Héritier remet la Légion d'honneur à Maudy Piot, présidente d'association de femmes handicapées
Françoise Héritier remet la Légion d'honneur à Maudy Piot, présidente d'association de femmes handicapées
L’anthropologue Françoise Héritier est décédée le 15 novembre dernier. Toute sa vie elle a été à la rencontre des hommes et des femmes dans leurs diversités. Professeure au collège de France, elle s’est aussi intéressée à la question du handicap. Ceux qui l’ont côtoyée lui rendent hommage.

Célèbre pour ces travaux d’anthropologue et son engagement féministe, Françoise Héritier a placé la question du corps au centre de ses travaux. L’ancienne professeure au collège de France était elle-même atteinte d’une maladie auto-immune (la polychondrite) qui a marqué sa vie. Sur France Inter, vendredi 16, la philosophe Catherine Clément rappelle « la pensée de Françoise sans sa maladie, sans ses AVC ce ne serait pas la même chose ». L’évolution de la maladie et les symptômes de plus en plus importants ont influencé sa réflexion d’anthropologue.

"L'éternel singulier"

En 2010 elle contribue à l’ouvrage collectif « L'éternel singulier, questions autour du handicap »*. Elle y développe l’idée que le handicap vient mettre à mal une exigence de conformité physique et psychique qui structure les sociétés. Elle expliquait alors que si le handicap moteur peut susciter la pitié, le handicap mental engendre la peur.  Intellectuelle engagée pour les droits elle rappelait que l’éthique imposait une responsabilité collective et entrait dans les détails en précisant que les compensations financières devaient être à la hauteur des besoins. Elle posait également les questions éthiques liées au diagnostique prénatal des handicaps. L’anthropologue spécialiste du handicap, Charles Gardou se souvient de cette importante contribution à la question du handicpa : «  c'était un esprit libre. Elle a beaucoup travaillé sur ce qu’était la condition humaine. (…) Elle s’est intéressée aussi à la condition des personnes en situation de handicap. (…) Femmes, situations de handicap appartenance à des cultures autres, il y a des similitudes liées à des singularités humaines qui s’expriment et qui ne sont pas considérées avec équité et soucis de l’égalité ».

"Une curiosité dynamique"

Membre du Conseil consultatif national d’éthique, elle avait aussi présidé le Conseil national du sida (CNS) entre 1984 et 1995. Elle avait alors défendu les droits des malades en déclinant les questions éthiques en termes concerts : accès aux assurances pour les malades, droits aux soins pour les détenus, … A l’occasion des 25 ans du CNS en 2009, elle rappelait : « Il était important de réfléchir aux mots pour bien parler des séropositif-ve-s car une mauvaise interprétation, une mauvaise représentation pouvait entrainer des dérives totalitaires ». Depuis plusieurs années, elle apportait son concours et sa notoriété à l’action de l’association « Femmes pour le dire femmes pour le dire » qui défend les droits des femmes en situation de handicap. Pour sa présidente Maudy Piot : « lorsque nous avons échangé sur le handicpa qui était un sujet qu'elle n'avait pas sépcifiquement travaillé » L’ensemble des hommages rendues à Françoise Héritier ces jours-ci soulignent sa capacité à être à l’écoute de chacun et sa curiosité à la diversité des expériences humaines. Maudy Piot : «  sa curiosité par rapport à nos actions, à nos différentes rencontres m’a beaucoup apporté. Elle avait une curiosité dynamique qui permettait à chacun.e de se replacer dans un courant de pensée qui faisait que le handicap entrait dans cette grande diversité du monde et de ses réflexions à elle. »

*L’éternel singulier, question autour du handicap

Jean-Claude Ameisen, Benoît Heilbrunn, Françoise Héritier, Mark Hunyadi,

Editions Le Bord de l'eau, 2010,