Paris 2024

Londres 2012 : que reste-t-il de l'esprit paralympique ?

L'accueil des jeux paralympiques provoque-t-il de réelles retombées au sein de la ville hôte
L'accueil des jeux paralympiques provoque-t-il de réelles retombées au sein de la ville hôte
Paris lance ce mardi 23 juin sa candidature pour l'obtention des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Les Jeux sont-ils l'occasion de faire progresser la cause du handicap? Trois ans après, que reste-t-il de l'esprit paralympique à Londres ? Vivre FM a posé la question aux britanniques. Et certaines réponses sont inattendues.

 

Y a-t-il un effet paralympique ? C'est en tout cas la question que l'on peut se poser lorsque l'on observe les chiffres publiés depuis la fin de l'évènement. Un chiffre surprenant qui ressort d'une enquête britannique 22%de personnes handicapées considèrent que le comportement des autres personnes à leur égard a empiré suite à la compétition paralympique . Une statistique dévoilée par le rapport de 2014 de Scope 1 , une association qui lutte pour la défense des personnes handicapées. On y lit aussi que 58% des personnes handicapées interrogées n’ont pas perçu de changements significatifs. Enfin seuls 9% des sondés estiment que leurs relations avec les autres se sont améliorées.

L'amélioration de l'image des personnes handicapée : une bulle qui a vite éclatée

Pourtant des changements, on pensait en avoir aperçu à l’issue de la compétition en septembre 2012. Une enquête d'opinion en Angleterre2 a questionné les personnes avant et après les jeux paralympiques. Et les résultats sur l'évolution de l'image du handicap étaient plutôt positifs :

 

76% des personnes ont vu de manière plus positive le rôle des personnes handicapées dans la société, au lieu de 68% quinze jours avant.

 

81% des personnes estiment que les personnes handicapées sont victimes de discrimination et de préjugés à l'issue des Jeux Paralympiques, alors que quinze jours avant, le pourcentage était de 74%

 

78% des personnes trouvent qu'à l'exception des jeux paralympiques, les personnes handicapées ne sont pas assez visibles dans les médias, six points de plus qu'avant la quinzaine sportive.


Cette amélioration était-elle simplement une bulle qui a éclatée après l'euphorie des jeux paralympiques ? Si les personnes handicapées n'ont pas vu l'attitude de leurs contemporains changer, où sont les bénéfices des paralympiques pour elles ?


C'est l'accessibilité qui amène les jeux et pas l'inverse


Il est un secteur où Londres a su instaurer une vraie politique du long terme : l'accessibilité. L'échéance paralympique fonctionne alors comme un véritable déclencheur :  8500 bus, 22 000 taxis, et un programme de 500 millions de livres pour moderniser le réseau ferroviaire courant jusqu'en 2019, les changements entamés par la ville ont su faire la différence3. "Paris est certainement la capitale européenne la plus inaccessible aux gens en fauteuil roulant. Le modèle anglais a des années d’avance sur nous" Édouard Braine, ancien Consul de France en Angleterre, a suivi de près le dossier de candidature de Paris et de Londres pour 2012.


Et selon lui, c'est ce manque d'accessibilité qui a coûté les Jeux à la capitale française : "Londres avait un dossier moins solide que Paris. Ce qui a fait la différence, c'est que Londres a su faire de l'accessibilité le cœur de sa candidature, non pas pour les Jeux Paralympiques, mais pour les jeux Olympiques." Ce n'est donc pas l'échéance paralympique qui crée l'accessibilité, mais bien l'accessibilité qui amène les Jeux. Une politique qui était même poussée jusque dans les politiques de l'emploi : Les entreprises, quelles qu'elles soient, ne pouvaient prendre part au projet des Jeux si elles n'employaient pas au minimum 8% de personnes handicapées.

Conséquence, le taux d'emploi des personnes handicapées a augmenté progressivement : 45% des adultes britanniques handicapés sont dans l'emploi. 3,1 millions travaillent aujourd’hui selon le Bureau National de Statistiques anglais4. Les principaux médias eux-mêmes (BBC, Channel 4, ITV, BSKYB) se sont engagés à augmenter leur nombre d'employés en situation de handicap. Edouard Braine conclut : « Si Paris fait un effort sur cette question, on a nos chances. Sinon, une autre ville l’emportera.  »


Une forte visiblité dans les médias, le temps des jeux


La médiatisation des jeux permet-elle de renforcer la visibilité des personnes handicapées à l'écran ? Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel mesure régulièrement leur présence à la télévision5 et on peut constater un "effet paralympiques" : en 2011, elles étaient représentées à hauteur de 0,6%. En 2012, le chiffre monte jusqu'à 0,9% grace à la période de Paralympiques. Il y a donc bien un "bonus Londres". Mais en 2013, c'est la rechute : le chiffre retombe à 0,4%. Le diffuseur principal France Télévisions s'était fait vivement critiqué après le peu de couverture médiatique des Jeux Paralympiques de Londres où aucun direct n’était proposé. Un point noir corrigé à Sotchi où France TV a assuré 60 heures de direct.

En Angleterre, les médias n'ont pas perdu la main : des diffuseurs comme Channel 4 ont également assuré la couverture des Jeux Paralympique en Russie6. La chaîne anglaise s'était déjà engagée auprès de l'International Paralympic Committee (IPC) pour améliorer la visibilité de la compétition en 2012. Et à en juger par la vidéo promotionnelle, on comprend assez rapidement  qu’il y a un véritable engouement pour la compétition handisport outre-manche :



La chaîne travaillera de la même manière pour les Jeux Paralympiques de Rio en 2016.


Une pratique du sport croissante


Là, encore un chiffre révélateur : depuis 2005, 315 000 personnes en situation de handicap se sont mis à faire du sport plus régulièrement en Angleterre. Il faut dire qu’outre une meilleure visibilité, la fédération handisport anglaise dispose d’un budget environ cinq fois supérieur à celui de la fédération française7.


En revanche, il y a bien eu un impact positif en France : le nombre de licenciés handisport a connu une progression constante en France avec une augmentation plus importante après Londres 2012 :



 

 

Tous ces éléments laissent un sentiment mitigé sur l’héritage de Londres 2012 : si l’accessibilité et la participation au sport sont des éléments encourageants, ce sont les mentalités qui ont encore du mal à bouger dans un pays où deux tiers des personnes sont mal à l’aise vis-à-vis du handicap. Autant d’éléments qu’il faudra prendre en compte pour la candidature de Paris pour les Jeux de 2024.


 


Sources :

1 http://www.scope.org.uk/scope/media/images/publication%20directory/current-attitudes-towards-disabled-people.pdf?ext=.pdf

 

2https://www.cafonline.org/media-office/press-releases/2012/1009-paralympic-effect.aspx

 

3https://www.gov.uk/government/news/transformation-in-british-attitudes-towards-disabled-people-since-paralympics-2012

4https://www.gov.uk/government/news/400-more-disabled-people-in-work-every-day

5http://www.csa.fr

6http://www.channel4.com/info/press/news/channel-4-to-broadcast-150-hours-of-coverage-from-sochi-paralympics

7http://www.lemonde.fr/sport/article/2010/09/10/sport-et-handicap-1-3-la-federation-francaise-a-la-conquete-des-licencies_1409650_3242.html