Vincent Lambert

Le tribunal dit non à la mort de Vincent Lambert

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'oppose à l'euthanasie passive de Vincent Lambert
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'oppose à l'euthanasie passive de Vincent Lambert
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est prononcé jeudi contre l'euthanasie passive de Vincent Lambert, un tétraplégique en état de conscience minimale que ses médecins avaient décidé de ne plus alimenter et hydrater pour le laisser mourir, en accord avec sa femme et une partie de sa famille.

Les parents, une sœur et un demi-frère de Vincent Lambert avaient saisi la justice après l'annonce du docteur Éric Kariger, chef du service de médecine palliative du CHU de Reims, d'arrêter prochainement les traitements de nutrition et d'hydratation artificielles du patient."Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne suspend l'exécution de la décision datant du 11 janvier 2014 par laquelle le centre hospitalier régional universitaire de Reims a décidé d'interrompre l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert", indique le tribunal dans un communiqué. Le tribunal a notamment "jugé que la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie et a donc suspendu la décision d'interrompre le traitement", explique notamment la juridiction.

"C'est une victoire pour tous les handicapés"

"On a sauvé la vie de Vincent", a estimé Maître Jean Paillot, l'un des avocats des parents. "C'est une victoire du droit, c'est une lecture de la loi Leonetti à la lumière de la dignité. C'est une victoire pour tous les handicapés", a-t-il ajouté. "Le tribunal a reconnu que Vincent n'était ni malade ni en fin de vie, et la loi ne pouvait pas s'appliquer. Dans le cas de Vincent, les éléments pour arrêter l'alimentation ne sont pas réunis", a conclu l'avocat. 

De son côté Jean-Luc Roméro, président de l'association pour le droit à mourrir dans la dignité (ADMD) réagit sur tweeter: " Une fois de plus la loi Léonetti montre son inéfficacité à résoudre de tels drames."

Âgé de 38 ans, Vincent Lambert est hospitalisé depuis cinq ans après un accident de la circulation. "On va prendre le temps d'analyser les motivations du tribunal avant de proposer éventuellement un recours auprès du Conseil d'état", a déclaré à l'AFP l'avocate Catherine Weber-Seban, qui défend le CHU. "Vincent n'a pas de lien relationnel, et le maintien de l'alimentation ne lui permettra jamais de recouvrer un lien de relation", a-t-elle estimé.

 

"Refus de vivre"

 Selon le corps médical, Vincent est totalement aphasique et dans un état pauci-relationnel (état de conscience minimale) qui permet une certaine interaction avec l'environnement par la vue notamment, sans pour autant "être sûr qu'il intègre correctement les informations sensorielles".

Depuis le début de l'année 2013, le malade avait multiplié, d'après les médecins, des comportements d'opposition aux soins, "faisant suspecter un refus de vivre". En avril 2013, un premier protocole de fin de vie avait déjà été engagé, mais sans consulter explicitement les parents vivant dans le sud de la France, qui avaient saisi la justice et obtenu la reprise des soins de leur fils. L'action judiciaire avait mis au jour un conflit familial, alimenté, selon plusieurs témoignages, par les convictions religieuses très fortes des parents de Vincent.



Une décision qui divise une famille

Cette division de la famille s'est encore ressentie mercredi, tout au long des quatre heures d'audience, lors de laquelle les parties se sont opposées sur la place de Vincent Lambert dans le cadre de la loi Leonetti qui régit les droits des patients en fin de vie, son état de conscience et sa situation au sein du service de soins palliatifs. "Vincent est handicapé, il n'est pas atteint d'un mal incurable, il n'est pas en fin de vie, sauf si on lui retire son alimentation et son hydratation", avait expliqué au tribunal Me Jérôme Triomphe, l'avocat des parents du patient. Selon lui, la loi Leonetti ne peut s'appliquer au cas de Vincent.

Une thèse qu'a réfutée l'auteur de la loi, le député UMP Jean Leonetti, même si Vincent Lambert n'est pas atteint d'une maladie incurable. "Personne ne souhaite, s'il est bien portant, être dans la situation de Vincent Lambert, mais qui peut savoir maintenant ce qu'il en pense", lui avait répondu Maître Triomphe. À l'audience, Rachel Lambert, son épouse, qui est quasi quotidiennement au chevet de son mari depuis son accident, a plusieurs fois fondu en larmes. L'épouse de Vincent est anéanti. Le tribunal a également suivi le rapporteur public dans son souhait de rejeter la demande des requérants de transférer le patient dans un autre hôpital.