Handicap psychique

10 ans de handicap psychique : quel bilan ?

On connaît le handicap moteur, le handicap visuel, le handicap mental… mais qui connaît le handicap psychique ? Depuis 2005, la loi définit les troubles psychiques comme source de handicap. 10 ans après, l'UNAFAM dresse le bilan.

La loi de 2005 est-elle véritablement une révolution ?

 

La vraie révolution, c'est d'avoir proposé une alternative à l'accompagnement familial. Les chiffres de la sociologue Martine Bungener sont éloquents : elle a étudié le rôle des proches auprès des personnes handicapées psychiques en 1991 et 2011. En 1991, plus de 42% des patients vivaient en cohabitation avec leurs parents, une cohabitation non-souhaitée de part et d'autre. Vingt ans après, plus de 46% des malades psychiques vivent dans un logement personnel. La cohabitation concerne seulement 21% d'entre eux, et n'est plus subie.

 

Est-ce qu'on peut lier ça à la loi de 2005 ?

 

Oui. La loi de 2005 crée des dispositifs de prise en charge du handicap psychique. Cette prise en charge repose sur deux piliers : la compensation et l'accessibilité.

 

Avec la compensation, on offre aux personnes handicapées une réponse individuelle et adaptée : on crée pour elles les meilleures conditions de vie au quotidien et dans la société.

 

Grâce à l'accessibilité, on apporte une réponse collective au handicap psychique : on leur offre un accueil et un accompagnement adaptés, pour que les personnes malades psychiques puissent participer à toutes les activités de la cité (sociales, culturelles, sportives, etc.).

 

La loi créé aussi des structures de proximité pour les malades psychiques : les GEM, les groupes d'entraide mutuelle. Au sein de ces GEM, les personnes se rencontrent et s'entraident : on crée du lien social et on lutte contre l'isolement.

 

10 ans après leur création, est-ce que ces dispositifs sont performants ?

 

L'UNAFAM constate pas mal de dysfonctionnements, en particulier si on regarde le processus d'obtention des compensations.


Pour obtenir des compensations, il faut faire une demande auprès de la MDPH. La personne doit remplir un dossier, et exprimer ses besoins dans un projet de vie. Mais c'est très compliqué pour une personne souffrant de troubles psychiques d'exprimer ses besoins, de se projeter dans l'avenir et de rassembler les pièces nécessaires. De plus, ces dossiers ne prennent pas suffisamment en compte la parole des aidants familiaux, qui accompagnent pourtant leur proche au quotidien.

 

Donc il faut revoir ces dossiers de demande. En ce moment, dans les MDPH du Nord et du Calvados, de nouveaux dossiers sont expérimentés. Les deux dernières pages de ces dossiers tests sont dédiées à la parole des aidants familiaux. La simplification des procédures est également une priorité.

 

Il faut aussi améliorer la mise en œuvre des compensations : revoir les critères d'éligibilité, qui sont trop restrictifs, et développer l'offre des associations gestionnaires (créer des places supplémentaires dans les lieux de vie et de travail).

 

La loi de 2005 n'a pas résolu tous les problèmes

 

Aujourd'hui, le problème majeur, c'est la stigmatisation. Le grand public ne sait pas ce qu'est le handicap psychique. Il connaît seulement la maladie mentale, et la maladie mentale lui fait peur. Il faut communiquer pour lutter contre les stéréotypes. Ségolène Neuvillle, secrétaire d'Etat chargée du handicap, s'est dite favorable à ce que le handicap psychique devienne une grande cause nationale. Elle s'est d'ailleurs engagée à promouvoir le handicap psychique auprès du Premier ministre, Manuel Valls.

 

L'autre grand chantier, c'est l'insertion professionnelle. L'accès à l'emploi en milieu ordinaire reste très compliqué. Méconnaissance du handicap psychique, peur : les employeurs sont réticents à embaucher des personnes handicapées psychiques. Donc il faut sensibiliser les recruteurs au handicap psychique et mettre en place un accompagnement dans la durée. C'est la seule manière de promouvoir l'accès et surtout le maintien dans l'emploi.

 

En conclusion, le défi, 10 ans après la loi de 2005, c'est de penser la coexistence. On a aujourd'hui les instruments de la cohabitation. Mais il faut aller plus loin : trouver comment vivre ensemble sans avoir peur de l'autre et sans lui faire peur.