Et après ? Après « l’accès à l’emploi », après « les conditions de travail » et après « les collègues », on se questionne tout naturellement sur ce qui se passe après, c'est-à-dire comment faire pour évoluer, progresser, quand on est en situation de handicap.

La progression ou la mobilité professionnelle avec un handicap, ça vous parle ? Cet épisode s’adresse davantage à vous, qui êtes à un poste de ressources humaines, mais aussi à toutes les personnes en situation de handicap ou non, pour envisager la mobilité professionnelle sans discrimination. Alors… AU BOULOT !

Ce podcast produit par la mission handicap de la Sécurité sociale et réalisé par Marguerite Fouletier et Romain Rabier.

00:02 Musique entrainante puis diverses voix se succèdent et disent :

Une personne sur deux dans sa vie va se retrouver un jour en situation de handicap. Ça veut dire

quoi ? Ça veut dire qu'en réalité on est tous concerné.e.s.

Une autre voix dit :

Quand on voit sur un CV, qu'une personne est RQTH, c'est vrai que la plupart des managers, je ne

veux pas les mettre tous dans le même lot mais… ils ont un petit moment d’hésitation.

Une autre voix dit :

On a tendance à concevoir les personnes en situation de handicap comme des personnes qui ont

surtout des besoins avant d'avoir des capacités.

Une autre voix dit une phrase entendue et répétée :

“Mais tu sais, ça va être difficile pour toi, je ne sais pas si tu vas pouvoir.”

Une autre voix dit :

Par choix de facilité, on va plutôt chercher à se débarrasser d'un salarié qui finalement n’occupe

pas son poste ou est absent depuis longtemps.

Une autre voix dit :

Quand il s'agissait d'un futur manager en situation de handicap, on lui demandait toutes les

qualités imaginables. Et donc, en mettant autant d'exigences, on était sûr qu'on ne trouvera pas.

Une autre voix dit :

Je n'ai pas connaissance de directeurs ou de directrices s'affichant comme étant en situation de

handicap.

Une autre voix dit :

J'ai bugué, j'ai freezé, mon cerveau s'est débranché. Il s’est dit « Non mais là autant de conneries

en une seule petite phrase! pfffff”. »

(Bruit de moteur qu’on débranche d’un coup sec)

00:58 Marguerite, la narratrice :

Vous êtes en train d'écouter “Au boulot, ou comment déconstruire les discriminations autour du

handicap au travail”. C'est un podcast produit par la mission handicap de la Sécurité sociale,

réalisé par Marguerite Fouletier et Romain Rabier.

Dans cet épisode, nous allons parler de la progression professionnelle qu'on appelle aussi la

mobilité professionnelle ou encore l'évolution professionnelle. Parce que dans les épisodes

précédents, nous avons abordé les questions de l'accès à l'emploi à travers les conditions de

travail et les collègues.

Donc, tout naturellement, on se questionne à présent sur ce qui se passe après, c'est-à-dire

comment faire pour évoluer, progresser, quand on est en situation de handicap.

Nous avons donné la parole, enfin, nous avons cherché à donner la parole à des personnes pour

qu'elles nous racontent leur ascension professionnelle.

(Musique acoustique, piano et violon mélancolique)

01:42 Claire Paternotte :

J'ai été médecin du travail pendant, 28…euh… 30 ans et je suis entrain de réfléchir… c'est très

intéressant… parce que je n'ai pas l'impression d'avoir rencontré des cadres supérieurs, ou des

dirigeants, ou à des postes clés dans les entreprises qui soient concernés par cette question-là à

titre personnel, pour leur état de santé.

02:05 Marguerite, la narratrice :

Voilà, c'est le genre de réponses que l'on a obtenues quand on cherchait à savoir s'il y avait de la

discrimination qui pouvait empêcher une personne d'évoluer à cause de son handicap.

Alors ce constat pose au moins deux questions: Est-ce que les personnes en situation de

handicap n'ont effectivement pas accès à des postes à responsabilités ? Ou est-ce qu'elles y ont

accès et elles décident de rendre invisible leur handicap pour ne pas être stigmatisées ?

Et vous, vous en pensez quoi ? Est-ce que vous avez une autre idée ? Est-ce que vous avez une

autre explication ?

Bon, dans les deux cas, il y a un problème de discrimination.

Donc, pour mieux comprendre les rouages de ce plafond de verre, nous avons posé la question à

plusieurs personnes en situation de handicap. Et c'est Olivier Michel, graphiste dans une grande

entreprise, qui nous a apporté un élément de réponse auquel on n'avait pas pensé.

(Son d’un fauteuil roulant électrique qui avance)

02:54 Olivier Michel :

Je pense qu'il y en a. Je connais des personnes qui sont handicapées justement, et qui dirigent

des entreprises. Il n'y a pas de souci à ça, en fait. Là où tu peux voir un plafond de verre, en fait,

ça va être par exemple sur tout ce qui va être la formation, l'éducation et forcément, comme tu as

très peu d'accompagnement, il y a très peu de personnes handicapées qui font des études

supérieures, par exemple.

Donc forcément, indirectement, tu as beaucoup moins de personnes qui ont le potentiel d'arriver

manager ou de diriger des entreprises.

Si tu n’as pas de soutien derrière, de ta famille, de tes parents (c’est plus dur)… moi-même, je ne

pense pas que j'aurais fait d'études supérieures… ça ce serait arrêté après le lycée !

(Musique électronique, futuriste)

C’est à partir de là que tu commences à ressentir les freins ou les murs à passer petit à petit.

Parce qu'il n'y a rien qui s'est fait, en tout cas pour moi dans les études supérieures, qui s'est fait

naturellement, sans vraiment devoir forcer le truc.

(Ambiance de rue, cloches qui sonnent, klaxons discussions)

03:45 Diverses voix : Romain (à l’enregistrement et réalisateur), Marguerite (narratrice et

réalisatrice), Célia Bouchet :

Célia Bouchet : Bonjour, Romain Rabier ?

Romain : Oui !

Marguerite : Oui, c'est nous.

Accueil : Je vais juste vérifier et je reviens vers vous, je vous laisse patienter.

(Porte qui s’ouvre, bruits de pas, résonance dans un couloir)

Romain : Donc ic, c'est science-po ?

Célia : Oui, oui, on est sur le nouveau campus. Hop, c'est par ici. Donc on est sur le nouveau

campus ou on peut dire de "Saint Thomas", où il y a notamment la plupart des bâtiments de

recherche.

Marguerite : Et euh... LIEPP ça veut dire… laboratoire ?

Célia : …interdisciplinaire d'évaluation de politiques publiques, oui pardon pour le jargon.

(Petit rire)

04:18 Marguerite, la narratrice :

Célia Bouchet est docteure en sociologie et a fait une thèse sur les parcours et situations sociales

à l'âge adulte des personnes ayant grandi avec différents types et degrés de limitations. Elle fait

des recherches sur le handicap et le travail. Et c'est pour cette raison que nous lui avons posé la

question.

04:37 Célia Bouchet :

Il y a effectivement des pourcentages très faibles de personnes handicapées en emploi qui sont

dans des postes de cadres, professions intellectuelles supérieures. C’est très très saillant.

Par contre, la difficulté qu'on a, avec ces statistiques, c'est qu'on ne sait pas dans quelle mesure

est-ce que c'est lié à des difficultés de progression professionnelle ou du fait que les personnes

dans des emplois peu qualifiés sont surexposés à la survenue de difficultés handicapantes, de

handicap, etc.

(Ambiance d’une zone de travaux, bip des véhicules de travaux)

Quand les situations évoluent, soit parce que la condition de la personne évolue, la déficience se

dégrade par exemple, ou les conditions de travail évoluent. Là, je pense à des personnes

travaillant en milieu hospitalier où le rythme de travail s'accroît dans le temps et où elles se

retrouvent confrontées à des difficultés qu'elles n'avaient pas dans le temps. Donc même pour

maintenir un poste équivalent, ça complexifie la donne, et la progression professionnelle à fortiori.

Et après, il y a toutes les options où les personnes, les travailleurs, les travailleuses, peuvent

envisager de progresser en changeant de structure. Mais là, ça repose déjà tous les problèmes qui

se posent à l'embauche de trouver des postes qui conviennent -et ça fait boule de neige- pour

avoir des critères d'horaires de travail qui vont bien, de postes qui sont accessibles en transports

en commun, quand il y a des contraintes de transports en commun, etc.

Et par ailleurs, en cas de handicap visible, les personnes sont vachement moins démarchées par

autrui. Et ça je vois une vraie différence dans mes entretiens entre les personnes avec des

handicaps visibles ou invisibles. Avec les deuxièmes qui, dans certains cas, peuvent se retrouver à

être démarchées par de purs inconnus, là où en cas de handicap visible, ça peut être à la rigueur

par réseau professionnel interposé, une fois qu'elles ont fait leurs preuves, etc, mais n'empêche

que ça fonctionne moins bien quand même.

Là, on voit un certain nombre de freins à la progression qui peuvent peser sur le salaire. On ne

peut pas parler fermement et définitivement de discrimination parce qu’il peut toujours y avoir des

choses qu'on ne mesure pas. Mais ça donne des présomptions quand même et ça donne envie de

voir un peu ce qui se passe quoi.

(Musique spatiale et bruits de pluie)

06:43 Valentine Thomasset-Schanke :

Je suis en situation de handicap depuis mes sept ans. Ça ne fait que cinq, six ans que je travaille,

et jusqu'à présent, tout s'est bien passé. J'ai changé d'entreprise, à chaque fois, ça s'est bien

passé, j'ai pu augmenter en salaire, en responsabilité. Moi, j'ai eu la chance de ne pas avoir à faire

face à ce genre de situation. Néanmoins, pour garder son emploi, là ça devient un petit peu plus

compliqué.

Parce que admettons, on est dans une période où ça ne va pas, on a besoin de rester chez soi.

Moi, j'ai été en dépression pendant quatre mois, je n'ai pas pu aller travailler. Il y a des personnes,

ça va plutôt être quelques journées par ci, par là, en arrêt.

C'est pas parce qu'on est dans une période qu’après, ça ne va pas aller mieux. Mais par contre,

l'employeur peut vite se dire: « Oh là là, elle est pas là depuis plusieurs mois. Est-ce qu'elle va

revenir ou est-ce qu'il faut qu'on trouve quelqu'un pour la remplacer ? Mais ça va nous coûter plus

cher de la remplacer pendant qu'elle est absente. »

Les gens au lieu de se dire: « Est-ce que je peux lui demander comment tu vas ? », « Est-ce que

tu penses revenir bientôt ou comment tu vois la suite pour toi ? » Des phrases tellement simples à

poser qui permettraient d’éviter du stress pour eux. Et bien si on nous les posait, peut-être qu'il y

aurait des réponses et peut-être que le maintien de l'emploi, déjà, serait plus simple.

(Coup de timbale qui amène à une musique rythmée)

08:07 Marguerite, la narratrice :

Quand Valentine Thomasset-Schanke, que vous avez déjà entendu dans les autres épisodes,

parle de maintien en emploi, elle met le doigt sur une notion inévitable qui est à la base de la

fameuse mobilité professionnelle et ça soulève une question essentielle : Comment travailler

quand le handicap survient ou s'installe dans la durée ?

Parce qu'on ne peut pas parler de progression professionnelle sans parler de maintien en emploi,

ni même de rupture ou de désinsertion professionnelle.

Et c'est un sujet qui concerne autant la personne au travail que l'entreprise, mais aussi le ou la

médecin du travail, l'équipe, les managers, les ressources humaines, les référents handicap, et

toutes les personnes qu'on peut mobiliser à l'arrivée d'un handicap ou d'une maladie. Et une des

premières étapes, c'est de se mobiliser le plus vite possible, comme nous l'explique Claire

Paternotte, médecin du travail.

08:51 Claire Paternotte :

Dès qu’on sent qu'il y a des pathologies assez invalidantes ou qui peuvent être évolutives, on

essaye de se mobiliser le plus vite possible en amont, et la Sécurité sociale, maintenant, essaye

aussi de le faire. C'est-à-dire de convoquer au bout de trois mois, six mois, les gens qui sont en

arrêt maladie parce que plus on reste en arrêt maladie, moins on a de chances de revenir au

travail en fait.

Ce qui est intéressant, c'est d'anticiper le plus précocement possible pour mobiliser les gens, pour

qu'ils soient acteurs de leur cursus professionnel.

Je m'appelle Claire Paternotte, j'ai été médecin du travail pendant 30 ans. Je ne suis pas en

situation de handicap, mais j'ai sans doute une sensibilité particulière puisque mon père était

handicapé. Et donc, il a mené toute sa vie professionnelle en fauteuil roulant.

Et les questions de la santé au travail, du handicap au travail et du maintien dans l'emploi m'ont

toujours beaucoup intéressée, surtout ces dernières années où la réglementation en matière de

santé au travail, demandait à notre service de mettre en place des cellules de prévention de la

désinsertion professionnelle pour favoriser le maintien en emploi que ce soit à l'intérieur de

l'entreprise des salarié.e.s, voire les aiguiller vers l'extérieur de l'entreprise.

(Musique électronique, spatiale, notes de piano très aigues)

10:16 Marguerite, la narratrice :

Quand un état de santé évolue et que le handicap survient. Dans tous les cas, que ça soit

clairement annoncé ou subtilement repéré à travers des arrêts maladie ou des changements de

situation, ça déclenche des actions de la part des services de santé au travail. Et le premier

interlocuteur, c'est le ou la médecin du travail. Ensuite, c'est l'entreprise et le ou la salarié.e. qui

peuvent s'engager ensemble dans une démarche pour être accompagnés par les services gratuits

de Cap Emploi. Et ces services vont étudier une solution de maintien en emploi.

J'ai bien dit gratuit, comme l'a précisé Karine Martin.

10:49 Karine Martin :

Je suis chargée de projet pour le réseau des Cap Emploi franciliens, Cheops Ile de France.

Quand le handicap ou une maladie survient chez une personne qui est salariée, agent de la

fonction publique ou travailleur indépendant, on voit assez rapidement pour certains que la

survenue d'un handicap ou d'une maladie peut mettre en cause la tenue du poste de travail, mais

dans son ensemble, donc on va souvent vers une inaptitude totale au poste de travail, et là on doit

envisager une reconversion professionnelle sur un autre métier dans l'entreprise. Et là, le Cap

Emploi peut identifier si on est sur un maintien dans l'emploi, c'est-à-dire dans le milieu de

l'entreprise ou si on est dans un maintien en emploi, c'est-à-dire qu'on va accompagner la

transition et la reconversion professionnelle, mais chez un autre employeur en fait.

(Notes aigu de piano qui sonne de manière impactante et résonne)

11:42 Mathilde François :

Et pourtant, moi ce que j'ai ressenti et qui est vraiment de l'expérience personnelle, c'est que

quand je suis tombée malade…

11:48 Marguerite, la narratrice :

Vous vous rappelez de Mathilde François qu'on entend dans les autres épisodes ? C’est l'autrice

d'une BD qui s'appelle « Inapte » et qui raconte la survenue du handicap et l'impact dans sa vie

professionnelle.

11:57 Mathilde François :

…Quand je suis tombée malade, mon corps n'étant plus productif 35h semaine, je n'étais plus un

rouage valable pour faire fonctionner une entreprise qui me dépasse. Donc j'étais devenue inapte.

(Notes aigu de piano qui résonnent et rebondissent comme des gouttes)

C'est-à-dire que j'étais devenue un rouage inapte au bon fonctionnement de l'organisation

collective.

(Musique mystérieuse)

12:25 Simona Burgio de Simone :

Simona Burgio de Simone, je pilote la mission handicap de la Sécurité sociale, et je suis en

situation de handicap, handicap invisible.

12:35 Marguerite, la narratrice :

C'est avec Simona que nous travaillons pour réaliser ce podcast, et elle pilote la mission handicap

de la Sécurité sociale qui compte environ 300 organismes. Et avant ça, elle a aussi travaillé dans

des entreprises plus petites, et c'est ça qui lui permet d'avoir un point de vue et une expertise plus

complète sur le handicap au travail.

12:51 Simona Burgio de Simone :

Quand une difficulté survient les compétences restent là. Alors, il peut y avoir des moments où les

compétences ne sont plus au rendez-vous. Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ? Je pense

que, et tout le monde le sait, un recrutement coûte cher. La perte des compétences à l'entreprise

coûte cher aussi. Donc, est-ce qu'effectivement il y a impossibilité de continuer sur le même

poste ? s'il y a impossibilité, alors après, c'est facile à dire et c'est beaucoup plus difficile à faire: si

c'est une petite structure et qu'il n'y a pas possibilité de reconversion…

Moi, au moment où mon handicap est arrivé, j'étais dans une structure où il n'y avait pas de

possibilité de reconversion. Donc c'était licenciement pour inaptitude.

(Bruit d’une porte qui claque)

La plupart du métier était ce que je faisais, donc le poste que j’occupais… je ne pouvais plus faire !

Et les autres métiers, c'était des équipes de support, ils étaient déjà étoffés. Dans une petite

structure, vous n'avez pas de possibilité de mobilité interne. C'est une évidence. Et à partir de là,

s'ouvrent des portes de reconversion professionnelle, de reclassement, et donc là, on s'ouvre à un

nouveau métier et c'est comme ça que je me suis orienté vers les ressources humaines.

C'est important de faire un bilan de compétences, par exemple, un stop sur image de ce que la

personne elle a appris jusque-là, ce qu'elle a apprécié faire dans l'entreprise, qu’est-ce qu'elle a

vécu ?

Moi j'ai bénéficié d'un bilan de compétences, très utile pour moi, pour comprendre. Parce que

j'avais vraiment besoin de m'orienter, de comprendre quelle direction j'allais prendre. Et ça peut

donner de nouvelles opportunités, des nouveaux métiers, des nouvelles formations et aussi des

belles réussites professionnelles par la suite.

Maintenant, si on est dans une plus grande structure, il y a forcément quelque chose qu'on peut

trouver, et pour moi, c'est une énorme richesse d'avoir une personne sur un poste Y qui vient du

poste X. Elle connaît l'entreprise, elle connaît les process, et quand elle se reconverti dans le

poste Y, toute cette connaissance vient avec elle. Donc pour moi, je vois vraiment un avantage de

garder les personnes.

Après, bon… j'entends que ce n'est pas tout le temps possible.

14:59 Marguerite, la narratrice :

Quand le maintien est possible et voulu par la personne concernée et par l'entreprise, ça va

changer le taux d'embauche de l'entreprise concernant les personnes en situation de handicap,

dont le quota minimum, je vous le rappelle, est de 6 % pour les entreprises de 20 salariés et plus.

Alors ce quota, il est fait pour favoriser l'emploi des personnes en situation de handicap.

Pourquoi ? Parce que leur taux de chômage n'est pas le même que la population générale.

D'ailleurs, est-ce que vous, vous avez une idée de l'écart entre les deux : 5 % ? 10 % ? 20 % ?

Et bien, c’est environ 50 % ! C’est deux fois plus de chômage chez les personnes en situation de

handicap que chez les valides. Pour être plus précise, on peut lire sur le site de l’Agefiph que le

taux d'activité des personnes handicapées s'élève à 44 %, alors que le taux public, lui, s'élève à 73

%.

Si on revient au principe du quota, il est un peu controversé. D'ailleurs, je vous pose la question,

est-ce que vous pensez que le quota, c'est une sorte de marchandage qui déculpabilise les

entreprises ? Ou est-ce que c'est une réelle opportunité qui donne vraiment accès à l'emploi ?

Alors nous sommes allé.e.s voir une entreprise qui a plutôt une bonne note puisque son taux

s'élève à 7,81 %. Cette entreprise, elle recrute sur de nombreux métiers. C'est vrai, et c'est

sûrement ça d'ailleurs qui lui permet aussi de nombreux maintien en emploi. Surtout si on

considère que 85 % des situations de handicap arrivent en cours de vie, c'est-à-dire des maladies,

des accidents ou simplement la vieillesse.

Voilà. Cette entreprise, c'est la Sécurité sociale qui est à l'origine de ce podcast.

16:30 Mélanie Dubois :

Au sein de la Sécurité sociale, on opère plus de 10 000 recrutements par an, et on dispose de 80

métiers. À travers cette richesse de métiers, il y a cette richesse de profils et de compétences.

Chacun peut trouver sa place au sein de la Sécurité sociale.

Je suis Mélanie Dubois, je suis la responsable du département de l'accompagnement RH pour

l'ensemble des organismes de sécurité sociale.

Effectivement, le handicap peut survenir à tout moment de la vie et la politique handicap de

l'institution accompagne les collaborateurs dans le maintien dans l'emploi. En étudiant, avec une

équipe pluridisciplinaire, la meilleure manière d'adapter le poste de travail ou l'organisation du

travail, parce que l'objectif premier, c'est de maintenir dans l'emploi.

(Musique entraînante)

17:20 Simona Burgio de Simone :

La première chose, c'est de ne pas s'isoler, faire appel aux RH, et parmi les RH il y a des référents

handicap, il y a des référents de santé. Dans notre structure à la Sécurité sociale, nous avons

aussi une cellule d'écoute. Donc on peut faire appel sur des difficultés qu'elles soient

professionnelles, qu'elles soient personnelles, on peut appeler des psychologues qui sont là, à

l'écoute, 24h sur 24, sept jours sur sept.

Maintenant l'idée c'est que, quand le ou la manager découvre une situation critique auprès d'un de

ses collaborateurs, il ou elle puisse rapidement voir qu'est ce qui peut-être mis en place. Mais

comme il n'est pas le spécialiste de ces choses-là, il doit s'appuyer sur les spécialistes, donc les

équipes pluridisciplinaires, c'est effectivement des personnes qui se réunissent autour de la table,

qui ont différentes spécialités au sein de l'entreprise et qui accompagnent au mieux la personne

pour que sa période de transition entre l'avant et l'après, avant ou après handicap, soit prise en

charge et accompagnée. Donc, soulager aussi le manager, de ce poids qui ne lui appartient pas

directement et entièrement. Et qu'il y a là effectivement des experts, qui accompagnent des

situations fragiles en entreprise pour que ça se passe au mieux pour tout le monde.

18:34 Claire Paternotte :

Moi, j'avais mon regard de médecin du travail … (Intervention de Marguerite, la narratrice qui

présente l’interlocutrice pour que nous comprenons qui parle: « Claire Paternotte ») … et en

réunion, on parlait de ce dossier-là, avec les assistantes sociales et médecins du travail, et

l'ergonome qui était spécialisé dans les questions d'adaptation au travail. Et j'ai découvert une

richesse dans l'étude des dossiers, du questionnement professionnel de chacun avec sa

spécificité.

On avait pris l'habitude justement de se poser des questions : Est-ce que tel champ a été

regardé ? Est-ce que l'environnement de travail, les collègues, l'employeur, le conjoint, les enfants,

les déplacements professionnels… et tous ces éléments permettaient de recevoir le salarié et de

proposer une construction d'un parcours pour accompagner le salarié dans sa démarche.

(Musique entraînante)

19:23 Marguerite, la narratrice :

L'équipe pluridisciplinaire dont parle cette médecin du travail. Elle est là pour que le maintien en

emploi soit réussi. C'est peut-être à partir de ce moment-là qu'on peut parler d'évolution ou de

progression professionnelle. Après tout, la progression professionnelle, ce n'est pas forcément

monter en grade comme on le pensait naïvement, mais ça peut être aussi changer de métier,

d'entreprise, travailler autrement, se former, se reconvertir. Et c'est là où le management c’est un

rôle clé.

19:50 Violaine Leyder :

J'ai souvent eu des managers qui m'ont poussée, qui m'ont dit, « Bon voilà où tu en es, c'est bien,

tu peux aller plus loin que ce que tu fais, qu’est-ce que tu veux faire ? Moi, je te verrais bien faire

ça…Quelles sont les formations qui t'intéressent ? » Et à la Sécurité sociale on a quand même une

politique de formation extrêmement bienveillante et qui laisse à chacun la possibilité de choisir son

avenir. Donc moi, il y avait plein de trucs qui m'intéressaient. À chaque fois, on m'a dit, « oui, vasy », donc j'y étais ! (Rire)

Je suis Violaine Leyder, je travaille à la Sécurité sociale depuis une vingtaine d'années sur les

questions de relations presse et relations internationales. Et puis là, depuis un an, j'ai repris des

études pour faire une école qui s'appelle "l'Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale", qui

est l'école que l'on fait lorsque l'on veut accéder à des postes avec plus de responsabilités au sein

de la Sécurité sociale.

Moi, depuis ma naissance, je suis en situation de handicap et donc à la CNAV, j'avais fait une

reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Grâce à ça, j'ai eu un appareil, et

effectivement, c’était aidant. Mon handicap est assez simple, j'ai tout simplement une oreille qui

n'entend pas du tout. A priori, ça ne m'a jamais gênée, mais en fait, oui, c'est comme avoir une

main en moins ou un œil en moins. Finalement, il y a quand même quelque chose en moins et

c'est une chose dont je n'aimais pas trop parler.

Mais en même temps, c'est vrai que ça me gênait. Et le fait que l'employeur soit venu vers moi et

me propose cet accompagnement qui est comme une démarche administrative, un peu

compliqué… donc c'était facilitant et ça m'a permis tout simplement d'en parler à mes collègues, et

« N+1 » comme on dit.

(Musique mélancolique, avec des vocalises)

Et oui, c'était pertinent. J'étais contente de faire la démarche. Le fait d'avoir cette reconnaissance,

c'est vraiment un cap. En fait, j'ai explosé en larmes ce jour-là, alors que je n'ai pas de problème

avec ça. J'ai toujours eu ça. Mais le fait de basculer dans le fait d'être une personne handicapée,

c'était... c'était quand même un truc un peu dur et maintenant... maintenant, je me dis qu'il faut en

parler … pour que ça soit quelque chose de normal.

(Musique Mélancolique qui s’amplifie, s’intensifie)

Comme employeur ou comme manager. Il faut de toute façon pousser ses employés, tout le

temps, à être en situation de formation, d'apprentissage, d'évolution, d'écouter leurs propositions,

de leur donner une part active. Et ça, tant pour les personnes valides qu'avec un handicap.

Je pense par ailleurs, quand on est en situation de handicap, qu’il faut presqu’aller encore plus loin

et développer ses talents au maximum et ne pas se contenter de la petite place qu'on est sympa

de nous laisser. Au contraire, il faut montrer qu'on peut être des personnes particulièrement

brillantes.

(Musique entrainante, arpèges de notes au piano électronique, elle monte en crescendo jusqu’au

dernier mot de Violaine Leyder et se transforme en musique épique et victorieuse)

23:19 Marguerite, la narratrice :

Depuis le début de ce podcast, nous voulons poser des questions plutôt que donner des réponses.

Mais nous allons faire une exception pour cette fois.

Nous pensons qu'il ne faut PAS cacher le handicap parce qu'en parler, c'est déjà sensibiliser,

autant les collègues, les managers que la direction, et même l'entourage familial et amical.

Vous savez, quand on a choisi le titre “Au boulot”, c'est pour nous, toutes et tous, nous inviter à

prendre nos responsabilités et à construire une image du handicap qui n'empêche pas l'évolution

professionnelle en particulier et le travail en général. Et plus les équipes pluridisciplinaires

travailleront auprès du collectif de travail avant même qu'il y ait une situation de handicap, plus la

mobilité professionnelle sera possible et enviable pour tout le monde et pas que pour les valides.

24:08 Violaine Leyder :

Lors de cette formation… je n'ai pas identifié, mais peut être qu'il y en a eues… d’autres

personnes en situation de handicap. Et je n'ai pas connaissance de directeurs ou directrices

s'affichant comme étant en situation de handicap… alors peut-être qu'il y en a mais qui ne

l'affichent pas.

24:30 Marguerite, la narratrice à Violaine Leyder:

J'ai envie de vous poser la question: est-ce que vous, en tant que directrice, vous pensez que

vous le ferez ?

(Musique intrigante, orchestre synthétique, arpège de notes de piano électrique)

24:34 Violaine Leyder :

Ah oui oui je pense ! Oui, oui, oui, ne serait-ce que parce que ça permet de mettre à l'aise des

personnes qui seraient dans cette même situation. Donc c'est presque une chance, en fait, c'est

presque une chance d'être soi-même en situation de handicap et d'être en situation de direction

puisque ça permet de révéler un peu toutes ces particularités qui sont une richesse.

25:04 Marguerite, la narratrice :

Pour récapituler, il y a bel et bien des freins à la progression en entreprise quand on est en

situation de handicap, qui sont d'ailleurs les mêmes discriminations qui se jouent au moment de

l'embauche et de l'accès à l'emploi. Et dans la situation précise d'un handicap qui survient ou qui

évolue au cours de la vie, pour que le maintien soit réussi, n'oublions pas que la personne

concernée est la première personne à consulter pour connaître ses envies et ses capacités. Et

pour ça, il est important, même essentiel, d'avoir des espaces de parole et d'écoute dans

l'entreprise. Rappelons nous aussi de l'intérêt de solliciter une équipe pluridisciplinaire pour

envisager la situation la mieux adaptée.

N'oublions pas que même pour les petites entreprises, des services gratuits existent, ainsi que des

aides financières comme Cap Emploi et l'Agefiph notamment.

Rappelons nous que les préjugés refont surface quand il s'agit d'accueillir une personne avec un

handicap. Donc, si cette personne rejoint votre équipe, c'est d'abord parce qu'elle est compétente.

Et aussi la possibilité de se former dans l'optique d'un maintien ou d'une progression devrait

concerner tout le monde, qu'il y ait handicap ou non.

(Musique électronique, épique, futuriste)

Et enfin, à vous, qui êtes en situation de handicap et en poste à responsabilités, nous vous

invitons à oser afficher votre handicap autant pour encourager les uns que pour rassurer les

autres. Surtout nous, les valides…

En attendant le prochain et dernier épisode, il ne vous reste plus qu'à mettre en pratique tout ce

que vous avez entendu aujourd’hui.

(Musique monte crescendo et ensuite baisse en decrescendo jusqu’au dernier mot)

Merci. Et rendez-vous au prochain épisode.

Et d'ici là:

3 Voix différentes énoncent avec énergie :

Au boulot ! Au bou-lot ! AU BOULOT !