sida pch

Act up : « Les malades du SIDA sont les délaissés de l'aide à domicile »

Les personnes atteintes du SIDA accèdent difficilement à l'aide à domicile
Les personnes atteintes du SIDA accèdent difficilement à l'aide à domicile

Face à des départements qui tentent de réduire leurs dépenses sociales, Act Up dénonce les coupes budgétaires faites sur l’aide à domicile des personnes malades du sida et parle de « dérapages injustifiables ».

Evelyne Pinelli a 68 ans et est atteinte du sida depuis 24 années. Estimant que cette pathologie peut se guérir, la MDPH de l’Yonne lui a supprimé ses heures d’aide à domicile. Elle vit à la campagne, éloignée de tout commerces, elle ne conduit pas en raison de son état. Sous trithérapie depuis 2 000, après six chimiothérapies, Evelyne a des problèmes neurologiques, musculaires, articulaires, mais le jour de l’inspection, elle se portait relativement bien et les professionnels qui devaient évaluer son handicap ont jugé qu’elle n’avait nullement besoin d’une aide à domicile.

 

" La fabrique à exclus "

Elle déclare ne pas avoir « un vrai handicap au sens où j’ai mes deux jambes, j’ai mes deux bras, je vois clair » mais se dit « fatiguée et fatigable  » d’autant plus qu’elle doit s’occuper de son compagnon, lui aussi malade du sida.

Evelyne explique qu’il y a des jours où « elle ne tient pas debout  » et a alors besoin d’aide mais que ce n’est pas quelque chose qu’elle peut prévoir. Elle a également du mal à faire sa toilette et est déjà tombée, elle rencontre des difficultés à s’habiller, mais aussi pour remplir des papiers ou porter ses courses.

Pour décrire sa situation, elle cite le psychiatre Jean Maisondieu qui dit que la maladie est « une fabrique à exclus  » et ajoute qu’ « à partir de là toutes les aides sont les bienvenues  ».

Pour elle, le Conseil Général se décharge du handicap de son compagnon sur elle, alors qu’étant elle-même en situation de handicap, elle ne devrait pas avoir à porter ce rôle.

L’absence de dispositif adapté

Si les progrès médicaux ont permis de mieux soigner la maladie, ses conséquences continuent d’être un handicap souvent mal évalué.

Ainsi, l’état des malades fluctue souvent de telle sorte qu’ils peuvent avoir besoin d’une aide à domicile pour pallier leur fatigue. C’est ce que veut démontrer Act Up, qui est actuellement en discussion avec le gouvernement pour garantir l’accès des malades à une aide à domicile appropriée à leur situation.

En 1996, la circulaire DGS 96-10 était publiée pour permettre la prise en charge à domicile des patients atteints par le VIH. L’aide proposée pouvait aller de la préparation des repas à de la surveillance. Le patient devait contacter le coordinateur départemental du dispositif, lequel se rendait à son chevet pour évaluer ses besoins. Prenaient part à ce dispositif les associations, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) et la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS).

Selon un article publié sur le site d’Act Up Paris : « Le retrait des associations impliquées dans ce dispositif a entraîné sa disparition sur le territoire national  » à partir de 2005 et a eu pour conséquence que « seules les patients bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP jusqu’en 2005, remplacée par la PCH depuis) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) ont pu se maintenir dans un dispositif départemental d’aide à domicile où le coût est calculé en fonction des ressources.  »

Problème : le montant de la PCH (et donc le nombre d’heures d’aide à domicile accordé à un malade) varie d’un département à l’autre en fonction non pas des besoins des personnes mais des budgets des collectivités.

D’autre part, l’obtention d’un(e) auxiliaire de vie à domicile est soumise à condition : la personne qui fait la demande doit être totalement incapable d’accomplir au moins un acte essentiel (se laver, s’habiller, préparer ses repas…). Tous les malades du SIDA ne remplissent pas cette condition puisque leur état varie souvent d’un jour à l’autre.

Toute une population abandonnée par les pouvoirs publics

Au final, Act Up dénonce « une sortie brutale, sans aucune solution de remplacement » pour un certain nombre de malades, tout en notant que « Les [personnes les] plus atteintes par la maladie* se sont orientées vers le dispositif de compensation du handicap, s’ils n’y étaient pas déjà  ».

Selon Act Up Paris : « Pour des considérations de gestion financière, les départements, dont dépendent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et leur commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), considèrent la PCH comme une simple prestation sociale parmi d’autres, destinée à un public cible spécifique dans une enveloppe budgétaire votée.

« L’État s’étant désengagé du problème, les personnes sont exposées à tous les dérapages et à toutes les économies, aux caractères injustifiables, au mépris de leur état de santé et de dépendance, donc de leurs besoins réels.  »

L’association proteste contre l’abandon de la population des malades du VIH dans les départements les plus pauvres. Aujourd’hui une même personne peut obtenir trois heures d’aide à domicile dans un département, et aucune dans un autre, à pathologie égale et dépendance égale. Elle affirme qu’ « Une solution humaine sanitaire et sociale envisageable réside dans un texte de référence, à portée nationale, ne laissant aucune place à l’arbitraire et qui encadrerait un dispositif cofinancé par le département et par l’assurance maladie » et a entamé un dialogue avec le gouvernement pour redonner sa place à la circulaire DGS 96-10 ou en élaborer une nouvelle version. Des travaux et des concertations sont en cours avec le Ministère de la Santé et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).

* Celles qui remplissent la condition de ne pas pouvoir réaliser au moins une action essentielle.