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« Une note de mémoire » : quand la musique ravive les souvenirs des malades d'Alzheimer

L'émission « Une note de mémoire » ravive les souvenirs des malades d’Alzheimer en musique, sur Vivre FM
L'émission « Une note de mémoire » ravive les souvenirs des malades d’Alzheimer en musique, sur Vivre FM

Chaque semaine, une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer, ou d’une maladie apparentée, reçoit la visite de Vivre FM et partage ses souvenirs en musique.

Echanger, s’exprimer, être écouté : des activités sociales clés pour tout être humain et qui deviennent difficiles avec l’âge, encore plus lorsque la maladie d’Alzheimer, ou des maladies apparentées, qui atteignent les fonctions cognitives, comme la mémoire, le langage ou le raisonnement, s’en mêlent.

La musique, activateur d’émotions et de souvenirs

Un matin par semaine, Jason Durand va à la rencontre d’une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, et lui fait écouter de la musique. Il recueille les réactions de la personne malade à un stade précoce ou intermédiaire, et ses émotions. Petit à petit la confiance s’établit, et la parole se libère : surgissent des moments de bien-être, des témoignages sur les passages importants de la vie, la philosophie ou le sens de celle-ci, comme autant de perles conversationnelles, à ne pas manquer.

« La musique intensifie l’émotion  », explique le journaliste d’Une note de mémoire, et chacun réagit à sa façon : certains pleurent (et parfois de joie), d’autres chantent, rient, dansent, remercient, puis tous se racontent. Jason relate qu’un jour, une personne souffrant à un stade avancé de la maladie ne peut répondre à aucune de ses questions, mais en écoutant La Mer, de Charles Trenet, elle se souvient soudain de toutes les paroles.

« Do ré ré mi, do la sol, fa mi », Roland, égrène les notes en chantant. « C’est du Gershwin, Rhapsody in Blue  », assène-t-il avec assurance. « Ca a été, en grande partie, la manière dont je suis entré dans la musique moderne. Quand j’ai entendu ça, j’ai trouvé ça formidable  », se souvient l’octogénaire.

A l’origine de l’émission, la relation entre une grand-mère et son petit-fils. Technicien et réalisateur de la radio, Jason Durand réalise un documentaire radiophonique sur sa grand-mère, pour « mieux la connaître  » et « immortaliser  » son histoire. Passionné de musique, il illustre l’émission de morceaux de musique pour amplifier les émotions.

Une émission inspirée par le documentaire « Alive Inside »

En parallèle, Jason découvre le documentaire Alive Inside : A story of Music and Memory, (« Vivant à l’intérieur : une histoire de musique et de mémoire »), lauréat du festival américain de cinéma indépendant Sundance 2014. Le film raconte l’expérience menée par le neurologue britannique Oliver Sacks, professeur à l’université de Columbia aux Etats-Unis, auprès de personnes souffrant de maladies neurodégénératives. Le médecin étudie les effets de la musique sur la santé et les capacités cognitives des malades. Accueillis en institut médical spécialisé, les patients sont équipés de lecteurs de musique et de casques, et peuvent écouter leurs musiques préférées. Le médecin les suit pendant trois ans.

Bande annonce du documentaire « Alive Inside : A story of Music and Memory »

Pour Oliver Sacks, les patients ne sont pas des machines, que l’on soignerait comme tels, organe par organe, en combinant les dosages de plusieurs médicaments. Ils ont besoin d’être stimulés de l’extérieur, comme tout être humain, du nouveau-né à la personne âgée. « La musique a plus de capacité à stimuler le cerveau que tout autre stimulus. Aucun médicament ne fait cela  », décrit le professeur. S’adressant directement aux émotions, la musique éveille la personne toute entière. Un exemple marque Jason : celui d’un patient qui ne parlait plus depuis des années. Sous l’effet de la musique, ses yeux s’ouvrent, son regard et son expression s’animent, et il retrouve la parole. Pour Jason Durand, le concept de l’émission Une note de mémoire, est né.

Alive Inside : A story of Music and Memory

Voir le documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=-SiP1yVSe5A

Un projet mené avec les équipes soignantes

Jason Durand se déplace en EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou en établissement d’accueil de jour, à la rencontre des patients. Les séances d’enregistrement et d’interview sont préparées en amont avec les instituts et leurs équipes soignantes, et intégrées à leurs activités, sous la forme d’ateliers à destination des personnes accueillies ou hébergées. Les soignants identifient les volontaires et préparent avec eux leurs choix musicaux. Le jour de l’interview, la personne rencontrée par Jason est accompagnée par un psychologue ou un art-thérapeute. Après l’intervention, un bilan d’équipe est réalisé.

« J’essaye de trouver des petits moments de bonheur, j’ai les auxiliaires de vie, je pense que la vie, c’est rire, j’essaye de trouver des moments drôles  », partage Françoise après avoir écouté le Prélude de Bach, une musique qui pour elle « coule comme de l’eau dans une cascade  ».

Les établissements ayant déjà participé à l’émission Une note de mémoire :

Des bénéfices pour tous

Une note de mémoire bénéficie en tout premier lieu aux personnes atteintes des maladies d’Alzheimer et apparentées : ce projet stimule leurs sens, leurs émotions, et leur permet de retrouver les mots, pour échanger, parler, et vivre des interactions sociales.

« C’est bien de pouvoir dire les choses que l’on pense  », se libère Micheline, quasi non-voyante, et qui se dit très fatiguée. Elle dit avoir horreur du bruit, mais les violons de l’Adagio pour cordes de Samuel Barber ne la gênent pas, bien au contraire : « On est bien, là, on bavarde un peu, je n’ai aucune idée de l’heure, quelle heure est-il ? »

Les familles sont incitées à réengager le dialogue entre générations, et conservent un enregistrement de la personne handicapée. Les soignants retrouvent une image plus positive des personnes accueillies. L’émission est aussi un vecteur de sensibilisation des auditeurs, à la fois pour prendre conscience des difficultés liées à ces maladies, pour les patients, comme pour leur entourage, mais aussi pour réaliser la richesse et l’humanité conservées par les personnes malades.

« Même les gens qui ont un handicap, une maladie grave, ont des moments merveilleux  » révèle Françoise, ancien médecin cancérologue, à l’écoute de la Fugue n°2, de Jean-Sébastien Bach.

Un joli moment de radio

En effet, s’il n’est pas toujours facile d’écouter les personnes âgées, en particulier celles souffrant de la maladie d’Alzheimer, et d’échanger avec elles au quotidien, l’émission offre soudain un contexte privilégié et inattendu, qui permet aux auditeurs une toute autre qualité d’écoute. Sur le ton du partage ou de la confidence, une proximité s’installe entre l’auditeur et la personne interviewée, dont les réflexions ou commentaires sur la vie, ou sur leurs vies, apportent à l’antenne beaucoup d’émotion et profondeur, et parfois, comme un cadeau, un humour à toute épreuve.

Françoise, ancienne danseuse, sur la Cinquième symphonie de Mozart : « En vieillissant, malheureusement, c’est ce qu’on perd le plus, la mémoire, mais j’ai trouvé le système : quand je ne trouve pas directement, je l’envoie à ma mémoire ! J’y travaille un peu, et si on cherche bien, ça revient.  »

Une note de mémoire :