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Marine Le Pen et le handicap : les engagements contradictoires du FN

Marine Le Pen annonce deux "engagements" sur le handicap
Marine Le Pen annonce deux "engagements" sur le handicap
Marine Le Pen publie ce dimanche 5 fev son programme pour les élections 2017. Elle indique vouloir augmenter les moyens pour la politique du handicap : plus d’argent pour les MDPH, augmentation de l’AAH, aide accrue aux personnes et aux familles. Elle prévoit la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale. Sans chiffrer son programme.

Deux points (sur 144) dans les engagements présidentiels de Marine Le Pen, concernent le handicap. Le premier sur les moyens, le second pour l’emploi.

Plus de moyens pour le handicap et faciliter l’accès à l’emploi

Marine Le Pen veut « revaloriser l’allocation aux adultes handicapés, donner plus de moyens aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées et développer une prise en charge digne de l’autisme ». (Engagement n°88) Le FN veut faciliter l’accès à l’emploi en luttant contre « toutes les discriminations liées aux handicaps et à la santé ». Liant l'acessibilité à la question de l'emploi,elle mentionne un point : « imposer un standard d’accessibilité pour les mal-voyants et les malentendants ». (Engagement n°89)

A noter également dans le chapitre consacré à la santé (Engagement n°69) la création d’un cinquième risque de sécurité sociale consacré à la dépendance. Sur chacun de ses points le FN ne donne pas d’indication sur les montants ni sur les ressources affectées.

Contradiction n°1 : des moyens mas pas de financement

« Plus de moyens pour les personnes handicapées », Marine Le Pen promet mais ne chiffre pas et surtout ne donne aucune indication sur les moyens de financer ces promesses. En particulier sur la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, le FN ne donne pas de piste de financement : journée de solidarité ? impôt ? recours à l’assurance privée ? Comment l’aide à l’autonomie sera-t-elle financée ? Pas de réponse dans les engagements du FN qui promet par ailleurs la baisse des impots.

Contradiction n°2 : des obligations mais pas de pression sur les entreprises

Le FN veut lutter contre les discriminations, mais par ailleurs se méfie de tout ce qui peut renforcer les obligations des entreprises. Ainsi l’engagement n°45 de Marine Le Pen envisage de diminuer les contraintes qui pèsent sur les petites entreprises. Sans préciser lesquels, le FN veut réduire les obligations pour les entreprises de 50 salariés. Rappelons qu'aujourd’hui dès 20 salariés, elles sont soumises à l’obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés. Cette obligation sera-t-elle menacée ?

Depuis plusieurs années, au Parlement européen, les élus FN multiplient les interventions contre la discrimination positive. Ainsi le 26 novembre 2016, Joëlle Melin et Dominique Martin écrivent à la commission européenne et demandent : « De telles lois ne risquent-elles pas d’aggraver les tensions sociales en encourageant les fantasmes discriminatoires au sein des entreprises ? » ou encore : « Cela ne risque-il pas de stimuler une dérive victimaire et judiciaire de nos sociétés ? »

Contradiction n°3 : imposer l’accessibilité mais refuser les normes internationales

Le programme de Marine Le Pen insiste sur l’accessibilité pour les personnes déficientes visuelles et auditives et fait l’impasse sur les autres types de handicap et en particulier sur le handicap moteur. Dans ses nombreuses interventions sur le sujet au Parlement Européen (où le FN a une vingtaine d’élus sur les 74 députés français) le FN a plusieurs fois condamné les obligations d’accessibilité : ainsi en 2015 à l’occasion des 10 ans de la loi sur le handicap, Joëlle Melin dénonce « des dispositions dévastatrices pour tous les lieux privés et petites collectivités territoriales qui n’ont pas les moyens des aménagements obligatoires ». Même son de cloche chez Dominique Martin, élu FN de Haute Savoie qui, lors d’une visite des professionnels de l’hôtellerie de son département au Parlement leur a promis de « défendre leurs intérêts » pour diminuer les contraintes sur l‘accessibilité aux personnes à mobilité réduite.

Marie-Christine Arnautu (mère d’une jeune fille handicapée dont Jean Marie Le Pen était le parrain) dénonçait au parlement de Strasbourg en septembre 2016 une proposition visant à introduire de la cohérence entre les normes d’accessibilité américaines et européennes « les normes donnent un avantage aux entreprises américaines qui suivent ces règles depuis très longtemps et qui n’auront aucune charge supplémentaires à subir au contraire des entreprises européennes ». Toujours lors de son intervention sur l’accessibilité Marie-Christine Arnautu indique que « les peuples d’Europe refusent les règles qu’ils n’ont pas décidés eux-même et qu’ils réprouvent  ». Mais si elle regrette l’avance des américains sur l’accessibilité, et l'alignement des européens sur les politiques américaines, elle se félicite deux mois plus tard (novembre 2016) de l’élection de Donald Trump et affirme : « après des années de corruption, le peuple a voulu dire stop  ».

Contradiction n°4 une vision compassionnelle du handicap

La spécialiste du handicap au FN, Joëlle Mélin médecin, indique à propos de la loi du 11 février 2005 (qui pose les bases de l’obligation de l’accessibilité) que ce texte vient rendre obligatoire « ce qui aurait dû être très naturellement la règle dans une société protectrice et attentive aux autres. Tout y relève de la simple politesse quotidienne. » Exit donc les obligations honnies par le FN pour une approche basée sur la politesse et une « société naturellement protectrice ». Marie Christine Arnautu, proche de Jean Marie Le Pen parle à propos des jeunes handicapés des « enfants touchés par les anges ». C’était en 2014.