Justice
Dormillouse : l'établissement engage un recours pour suspendre la fermeture
V oilà deux ans que l’enquête est ouverte. Quelque 150 personnes – actuels et anciens membres du personnel, actuelles et anciennes familles d’enfants soignés à Dormillouse – auraient été entendues. L’établissement accueille 36 enfants, de six à douze ans, atteints de troubles somato-psychologiques.
« Il y a dans ce dossier des éléments contradictoires », explique le vice-procureur Pierre Mathieu. « Il y a bien des rumeurs de maltraitances, mais qui restent des rumeurs. Ce n’est pas suffisant pour fonder un renvoi devant le tribunal à mon sens. Et surtout, il n’y a pas de faits précis, pas d’auteurs précis... J’ai requis un non-lieu. »
Dormillouse réplique
Plus de dix jours après l’annonce de la fermeture de l’établissement par le Conseil d’État, Dormillouse fait appel à un grand cabinet d’avocats parisien, selon Olivier Poinsot, l’avocat de la maison d’enfants.
Le cabinet est spécialisé dans les procédures de recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, à Strasbourg. Il a été chargé par l’établissement d’engager un recours qui vise à “faire suspendre l’exécution de l’ordonnance du Conseil d’État, au motif que celle-ci a été rendue au mépris des principes d’impartialité et d’égalité des armes consacrés par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales”, précise-t-il dans un communiqué.
Une affaire pleine de rebondissements
Après la décision du Conseil d’Etat d’annuler le jugement du tribunal administratif, les réactions continuent. Le député-maire d'Argentière-la-Bessée, Joël Giraud, se dit « abasourdi par cette décision qui prend tout le monde de court ». Le 19 juin, l’ARS refusait de reconduire l’autorisation d’exercer de l’établissement.
Mais le tribunal administratif de Marseille avait suspendu l’arrêté faisant suite au refus de l'ARS. Le Conseil d’Etat va à l’encontre de cette suspension, avec donc une possibilité de fermeture de la maison d’enfants. Pour Joël Giraud, cela peut avoir « des conséquences dramatiques pour les 36 enfants qui séjournent actuellement dans l’établissement, qui pourraient se retrouver du jour au lendemain privés de soins ».
“Un retard de six mois pour effectuer ce signalement”
Concernant les rumeurs d’actes de maltraitance -le parquet a requis un non-lieu- il ajoute : « Un certain nombre d’éléments sont venus depuis accréditer la thèse d’un bidonnage (sic) de ce rapport d’inspection administrative de 2010 (qui a conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire, NDLR). Il reste encore beaucoup de zones d’ombre à élucider, il appartient à la Justice de mettre en lumière la vérité dans ce dossier et de tirer au clair au plus vite ce qui s’est vraiment passé autour de ce rapport. »
De son côté, l’avocat de l’établissement, Olivier Poinsot, souligne que « l’information du parquet par l’ARS est intervenue au cours du mois de juin 2010, alors que les fonctionnaires, membres de l’équipe d’inspection, disent avoir eu connaissance de faits de maltraitance - suite à une dénonciation anonyme - le 25 janvier 2010. Un retard de six mois a donc été pris pour effectuer ce signalement. Or en cas d’acte de maltraitance, ces fonctionnaires ont l’obligation d’informer le Procureur de la République immédiatement. »
Des éléments modifiés ?
Dans un autre registre, selon les journalistes d’Alpes 1, le médecin-inspecteur de 2010 aurait reconnu, en dépit de ce qu’il avait écrit, “il n’y avait pas eu en réalité d’actes de violences de la part du personnel.” Et il aurait justifié ce qu’il mentionne dans son rapport "par la volonté de l’ARS d’utiliser le rapport pour faire fermer Domillouse" . « Ça ne m’étonne pas du tout, note l’avocat de la maison d’enfants. Et si j’ai bien compris, des contrôles administratifs seraient en cours pour tirer au clair ce qui s’est passé autour de ce rapport. »
Un ministère impliqué dans l’affaire
Des contacts ont également été pris avec le cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la Santé pour éviter la fermeture de Dormillouse, annonce encore l’avocat de la maison d’enfants. Devant le siège de l’Agence régionale de santé, à Marseille, le 24 juillet dernier, les parents manifestants redoutaient la date du 31 juillet pour la fermeture de l’établissement. Car la date définitive du centre n’est pas connue.
« C’est maintenant au juge de décider »
L’ARS renvoie toutes les questions vers le service de communication, au siège à Marseille. Le procureur précise tout de même que « ce dossier est toujours à l’instruction. C’est maintenant le juge qui doit décider s’il y a lieu de l’envoyer devant le tribunal ou s’il y a non-lieu ». Un juge d’instruction qui pourrait rendre sa décision dans les prochaines semaines, fin août ou début septembre.
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