Cécité Médicament

L'interdiction d'un médicament contre la cécité crée la polémique

L'apparition d'une tâche sombre est un des symptômes possibles d'une DMLA
L'apparition d'une tâche sombre est un des symptômes possibles d'une DMLA
La Direction générale de la santé vient d’interdire aux hôpitaux l’usage d’un médicament utilisé dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’Avastin, dont l’efficacité ne fait pourtant pas débat, est moins coûteux que l’unique médicament autorisé pour traiter cette maladie.

Une circulaire de la Direction générale de la santé (DGS), adressée la semaine dernière à tous les directeurs d’agence régionale de santé (ARS), prône l’interdiction de l’Avastin dans les services d’ophtalmologie des hôpitaux français. Cette prise de position s’explique par l’importance des cas groupés d’infection de l’œil constatés aux Etats-Unis avec ce produit. Basée sur le principe de précaution, la position de la DGS crée, en France, une situation à ce jour unique au monde.


Une décision contestée


Selon les défenseurs de l’Avastin, les risques proviendraient d’une mauvaise préparation du médicament et non de sa composition. Ce produit a en effet été initialement créé, par le laboratoire Roche, pour soigner le cancer du côlon. Mais l’amélioration très nette de la vision d’un ophtalmologiste américain atteint d’une DMLA, utilisateur du médicament pour combattre son cancer, avait intrigué de nombreux médecins américains. Au point de les convaincre de l’utiliser dans le traitement de la DMLA ; sans l’autorisation des autorités sanitaires.


Ce détournement de l’usage habituel de l’Avastin exige toutefois certaines précautions. N’étant pas près à l’emploi pour les pathologies oculaires, le produit doit être préalablement dilué et injecté dans les heures suivant une préparation. Ce qui explique à la fois son utilisation limitée, sur des sites disposant de laboratoires hospitaliers, et la survenance d’infections, en cas de préparation inadéquate.


Une efficacité pourtant démontrée


Correctement préparé, l’Avastin est aussi efficace que l’unique médicament autorisé en France dans le traitement de la DMLA, le Lucentis, produit par le laboratoire Novartis. De nombreuses études ont démontré, au cours des quatre dernières années, que les deux molécules ont des effets équivalents contre ces dégénérescences qui affectent, en France, des centaines de milliers de personnes. Les coûts sont pourtant extrêmement différents : la dose d’Avastin coûte entre 30 et 50 euros, alors que le Lucentis – autorisé – vaut 800 euros.


Ce net écart de coût est l'une des explications de l’usage très répandu de l’Avastin à travers le monde. Les médecins espagnols et italiens ne prescrivent que ce produit. Alors que leurs confrères américains et suisses le recommandent dans une majorité de cas. Et jusqu’à son interdiction, tous les grands services d’ophtalmologie des hôpitaux français l’utilisaient largement.


La Professeure Dominique Chauvaud, ophtalmologiste hospitalière experte en matière de DMLA, alerte les autorités sur les graves problèmes de santé publique générés par cette interdiction « incompréhensible ». Ainsi, « le prix élevé du Lucentis ne permet pas au budget des hôpitaux de fournir ce médicament comme c’était le cas pour l’Avastin ».


Les patients se trouvent donc contraints à acheter le Lucentis en pharmacie. Ce qui aura des conséquences sérieuses sur les comptes des caisses d’assurance-maladie, sollicitées pour payer ce surcoût estimé entre 200 et 500 millions d’euros. Le nombre de patients à traiter est en effet important : entre 15 et 20 % des plus de 80 ans seraient touchés.


Intervention de la ministre de la Santé


Marisol Touraine, ministre de la Santé, n’a pas tardé à réagir face au tollé suscité par l’annonce de la Direction générale de la santé. Le jour même, elle déclarait qu’elle mettrait tout en œuvre pour que l’Avastin puisse être à nouveau autorisé dans un usage ophtalmologique. Avant de changer de position le lendemain, en déclarant que « c’est au laboratoire Roche de demander l’autorisation de mise sur le marché de l’Avastin pour traiter la DMLA ».


Mais la Professeure Dominique Chauvaud se montre peu confiante. Le laboratoire Roche, devenu propriétaire de la société ayant créé la molécule commune aux deux médicaments, perçoit des royalties sur les ventes du Lucentis. Et n’aurait donc aucun intérêt à réclamer l’autorisation de mise sur le marché de l’Avastin, beaucoup moins rentable.