Ukraine Mode
« Fashion Chance », le défilé du handicap
B aptisé "Fashion Chance", le défilé a réuni une douzaine de créateurs dans une discothèque de la capitale ukrainienne. Expérimentés ou débutants, ils ont conçu les vêtements spécialement pour leurs mannequins du jour. Certaines pièces ressemblent beaucoup à celles que portent les femmes valides, d'autres ont été adaptées aux besoins des personnes handicapées en fauteuil roulant.
Un défilé émouvant ...
Devant les spectateurs, certains mannequins avancent avec confiance, en fauteuil roulant ou accompagnées de beaux jeunes hommes en costume. D'autres semblent stressées. Emus par l'événement, des spectateurs pleurent. "Les personnes en fauteuil roulant, les aveugles, les handicapés devraient tous se sentir acceptés", estime Ilona Slugovina, 26 ans, arborant une robe du soir scintillante. "Je me suis sentie belle", déclare Antonina Krivobok ; pilotant son fauteuil roulant avec adresse, elle pose devant les caméras, en robe violette.
... à porté politique
"Dieu a fait la femme belle, et le but du créateur est d'accentuer cette beauté", affirme Natalia Anri, une styliste ukrainienne de renom. Mais ce défilé n'était pas qu'une question de mode. En Ukraine, la plupart des bâtiments ne sont pas équipés de rampes d'accès pour les fauteuils roulants et seules quelques écoles publiques acceptent les enfants handicapés.
"Lorsque nous voyons une personne handicapée, nous ne sommes pas prêts à voir juste une personne, alors que nous devrions voir d'abord une personne et ensuite remarquer ses particularités : qu'elle soit grande ou petite, qu'elle soit blonde ou brune, qu'elle soit handicapée ou non", affirme Natalia Skripka, directrice de l'Assemblée nationale des handicapés d'Ukraine. Julia Kozluk, 28 ans, gère une organisation qui forme des personnes en fauteuil roulant et leur trouve un emploi de bureau. Elle espère que de telles initiatives aideront la société ukrainienne à changer de regard sur les personnes handicapées.
Une minorité invisible
"Lorsque j'avance dans mon fauteuil roulant, les gens me dévisagent comme si j'étais une martienne, et c'est blessant", témoigne Mme Kozluk, paralysée depuis un accident de voiture. "Mais je ne suis pas une martienne, je suis une personne normale." Les handicapés physiques sont quasiment invisibles en Ukraine. Ils sont confinés chez eux par l'absence de rampes, d'ascenseurs, d'autobus adaptés, et surtout par l'héritage soviétique.
Une perception figée dans le temps
Les autorités soviétiques tentaient de maintenir l'image d'une société saine en enfermant de nombreux handicapés dans des institutions spécialisées ou des îles isolées, y compris les soldats mutilés lors de la seconde guerre mondiale.
Aujourd'hui, les enfants handicapés sont généralement envoyés dans des écoles spécialisées ou des orphelinats, isolés des autres. La société ukrainienne n'apprend pas, de son côté, à accepter et aider les personnes handicapées. Seules quelques écoles publiques accueillent des enfants handicapés. Non seulement la plupart des écoles ne disposent pas d'aménagements spécifiques, mais les professeurs ne sont pas formés à la problématique et les autres élèves, ainsi que leurs parents bien souvent, ne souhaitent pas leur présence.
En Ukraine, un quart des handicapés seulement a un emploi, généralement peu qualifié, selon les constats du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
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