Hollande Euthanasie

François Hollande relance le débat sur la fin de vie

Le Président de la République en visite dans un centre de soins palliatifs
Le Président de la République en visite dans un centre de soins palliatifs
Le Président de la République a visité mardi un centre spécialisé dans l’accompagnement et les soins palliatifs. François Hollande a profité de cette occasion pour aborder deux sujets extrêmement sensibles : le développement des soins palliatifs et l’ouverture d’un débat sur l’euthanasie

La visite de François Hollande à la maison médicale Notre-Dame-du-Lac à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), présentée comme privée, a en réalité une portée bien plus large. Au terme de ce passage de deux heures pendant lequel il a rencontré malades, familles et personnels de santé, deux annonces ont été faites sur des sujets sensibles au sein de l’opinion publique.


Annonce d’une réforme sur les soins palliatifs


Le Président de la République a tout d’abord annoncé l’adoption « dans les prochains mois » d’une réforme destinée notamment à développer les soins palliatifs. Même s’ils se sont développés, Monsieur Hollande les juge « encore très insuffisants » au regard « du nombre de plus en plus important de personnes accompagnées pendant de longues périodes dans des conditions complexes ».
L’Observatoire de la fin de vie porte le même jugement dans son rapport « Fin de vie, un premier état des lieux », publié en février dernier. Il relève ainsi que « l’augmentation de l’espérance de vie des personnes atteintes d’une maladie grave, évolutive, dont on sait qu’elles ne guériront pas, est une réalité nouvelle qui rend indispensable le développement des soins palliatifs selon une conception élargie qui ne les limite pas à la toute fin de vie ». L’Observatoire estime que les deux-tiers des personnes qui décèdent d’une maladie sont susceptibles de passer par une unité de soins palliatifs (ce qui représentait selon lui un total de 322 158 personnes en 2008).


Hommage rendu à « la Loi Leonetti »


Le Chef de l’Etat a toutefois tenu à saluer la loi du 22 avril 2005, dite « Loi Leonetti », qui instaura un droit « au laisser mourir ». François Hollande la qualifie de « véritable avancée » en ce qu’elle condamne l’acharnement thérapeutique « en instituant l’arrêt du traitement dans le cadre d’une procédure collégiale pluridisciplinaire, en renforçant les soins palliatifs et en mettant en place les conditions pour que le patient, ou à défaut une personne de confiance, puisse faire valoir son souhait ».
Mais cette possibilité « d’interrompre ou de ne pas entreprendre des traitements jugés inutiles ou déraisonnables » peut, d’après le Président, présenter certaines limites. En particulier « à l’occasion de certains cas particulièrement difficiles et douloureux ». C’est pourquoi il se demande si « on ne pourrait pas aller plus loin dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d’une décision partagée et réfléchie ».
La question de la réalisation d’un geste médical destiné à provoquer la mort est donc évoquée, sans toutefois citer le terme d’euthanasie. Le Président prenant le soin de l’éviter avec adresse ; comme durant sa campagne, au cours de laquelle il estimait que le mot évoquait « une forme de suicide inacceptable ».


Création d’une mission de concertation sur la fin de vie


Le professeur Didier Sicard, président d’honneur du comité national consultatif d’éthique (qu’il dirigea de 1999 à 2008), vient donc de se voir confier une mission de concertation sur la fin de vie. Son rapport, attendu par la Présidence de la République pour la fin de l’année, devra être réalisé sur la base d’une large concertation.
Le Chef de l’Etat demande ainsi au professeur Sicard de conduire ses travaux « en prêtant une attention particulière pour que s’expriment tous les points de vue ». Tout en regardant les expériences des pays étrangers en ces domaines.
Monsieur Sicard a lui-même évoqué cette volonté d’ouverture dans un entretien accordé au journal Le Monde. Sa réflexion sur cette question, qui selon lui « n’appartient pas aux médecins », le conduira donc à « chercher à tout prix à se tourner vers les citoyens, en cherchant à comprendre ce que les cadres, les ouvriers et les paysans pensent ». La discussion ne serait alors pas figée par les positions pro ou anti-euthanasie.


Inquiétude des partisans de l’euthanasie


Les défenseurs de l’euthanasie ont accueilli « avec circonspection » l’annonce de la création de cette mission. Le président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Jean-Luc Romero, est sceptique sur les résultats futurs d’une telle mission. Il craint ainsi que « cette mission, confiée à un proche de la théologie morale catholique, ne devienne une énième mission relative à la fin de vie qui esquivera le véritable enjeu ».
Ces craintes sont aussi alimentées par la prudence des responsables du pouvoir exécutif sur la question de la légalisation de l’euthanasie. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait évité d’aborder ce sujet dans son discours de politique générale prononcé devant le Parlement au début du mois de juillet. Imitant ainsi l’attitude d’esquive du Président.
Des sondages parus durant la campagne présidentielle indiquaient pourtant qu’une majorité de français soutiennent le droit à l’euthanasie dite active.